La BEI serre la ceinture du crédit…

Libertiamo.it, 21 mars 2012

Alors que le spectre japonais d’une stagnation prolongée plane sur l’Europe et que de nombreuses voix s’élèvent pour associer aux mesures de rigueur des mesures de relance – comme le gouvernement Monti tente de le faire – on apprend non sans une certaine stupeur que le nouveau président de la Banque européenne d’investissement, l’Allemand Werner Hoyer, a décidé de « réduire (le) volume de prêts pour protéger la solidité financière de la Banque » 1

Alors que « la BEI a enregistré un résultat net de 2,3 milliards d’euros en 2011, contre 2,1 milliards en 2010 » et qu’elle « a signé en 2011 de nouveaux prêts dans près de 70 pays, pour un montant de 61 milliards d’euros », (elle) compte ramener progressivement son volume de prêts, prévoyant une enveloppe de 50 milliards d’euros cette année ». 2

Voilà donc une institution bancaire européenne qui existe depuis 1957, – dont le capital 3 est près de deux fois plus élevé que celui de la Banque Mondiale et dont le rôle est de financer des investissements à moyen et long terme essentiellement au sein de l’UE -, qui décide au moment où des Etats membres de l’Union entrent en récession, de réduire sa voilure.

A la différence des autres stratagèmes que l’Europe a imaginés pour affronter la crise de la dette, une augmentation du capital de la BEI ne nécessiterait aucune révision des Traités. Un accord des 27 serait suffisant.

En outre, la BCE vient de prêter plus de 500 milliards d’euros à quelques 500 banques européennes, sans que l’on comprenne bien la destination finale de cette manne généreuse. Est-elle utilisée par les heureux récipiendaires pour fournir des liquidités aux entreprises ou pour financer leurs propres augmentations de capital rendues nécessaires par leurs comportements erratiques passés ou encore pour être réinjectée dans des opérations financières plus rentables ? Un prêt d’envergure et à moyen terme de la BCE à la Banque Européenne d’Investissement aurait le mérite de la clarté : la raison sociale de la BEI étant précisément de prêter de l’argent pour qu’il soit investi dans des projets industriels et d’infrastructures.

Prenons un exemple. Pressée par la question du changement climatique l’Union européenne s’est fixé l’objectif des 3×20 pour 2020 : 20 % de diminution des émissions de gaz à effets de serre, 20% d’énergie renouvelable dans la consommation finale, 20 % de réduction de la consommation finale d’énergie. Si l’on y ajoute la question de l’inéluctable augmentation des prix des hydrocarbures (quel que soit l’avenir des gaz et pétroles de schiste) sous la pression de la demande en provenance des nouvelles puissances économiques (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Afrique du Sud, …) et des aléas géostratégiques (Iran, Russie, …), l’Union européenne ne risquerait guère de se tromper en pratiquant une politique européenne de relance centrée sur les économies d’énergie, les transports en commun électriques et le développement des énergies renouvelables dont, notamment :

  • Une meilleure isolation des bâtiments publics (écoles, universités, hôpitaux, musées, centres sportifs, casernes, administrations et autres bâtiments publics ou parapublics, …) : un secteur très porteur en termes d’emplois et à retour sur investissement relativement rapide ;
  • la création de nouvelles lignes de transport électrique : tram dans les villes moyennes et métros dans les grandes villes européennes, encore trop souvent sous-équipées ;
  • la construction de centrales solaires de nouvelle génération dites à concentration qui ont atteint la maturité industrielle 4, l’installation de nouveaux champs éoliens off shore, la construction d’un réseau paneuropéen de transport d’électricité en courant continu haute tension (CCHT ou HVDC) qui permettrait également le développement du projet d’exploitation énergétique du Sahara (Desertec, MedGrid, …)

L’outil existe. Il n’est en rien exclusif d’initiatives de relance plus spécifiquement nationales. Il est en outre conçu pour financer des projets à moyen et long terme dont les banques semblent généralement peu friandes. Pourquoi alors en limiter le champ d’action au lieu de le renforcer ?

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Notes:

  1. « La BEI va réduire ses prêts », La Libre Belgique/AFP, 17 février 2012
  2. Ibidem
  3. Au 1° avril 2010 le capital de la BEI était de 232 milliards d’euros, http://www.eib.europa.eu/about/structure/shareholders/index.htm?lang=fr
  4. Depuis 2006, la Banque Européenne d’Investissement a contribué pour un total de 2,6 milliards d’euros à la réalisation de sept centrales solaires à concentration et 19 centrales photovoltaïques. Web Enerzine, 19 janvier 2012. La centrale Gemosolar de Fuentes en Andalousie, développée par la société Abengoa a été financée à hauteur de 80 millions d’euros par la BEI

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