Les Bruxellois et le syndrome de Stockholm

Honnie soit Bruxelles (1)

RTBF.be, 24 septembre 2013

Wallons, pas de quartier pour cette « pieuvre », cette « hydre », cette « ville tentaculaire ». Hardis Wallons, sus à l’ «  hypertrophie » et au « grossissement démesuré de Bruxelles ». 1 C’était en 1963, il y a cinquante ans exactement. La plume affûtée comme une dague, François Perrin taille en pièces le projet du gouvernement d’alors d’élargir un tantinet les limites de l’agglomération bruxelloise. L’analyse a bien sûr les saveurs de l’époque, des révolutions à venir et des grandes luttes « anti-impérialistes ». Mais elle témoigne surtout de la logique profonde, d’essence communautaire, qui a présidé à la reformatation « fédérale » de la Belgique. Elle indique sans ambiguïté qu’il n’y eut jamais, ni alors ni par la suite, de véritable débat sur le statut et sur les frontières de la troisième région belge, la Région bruxelloise.

Au début des années 1960 ce sont deux « communautés » linguistiques qui discutent de la fixation définitive d’une frontière … linguistique 2. Celle-ci est établie par les lois du 8 novembre 1962 par une majorité de parlementaires flamands et une minorité de parlementaires francophones 3. Dans l’esprit des premiers, la frontière de la région et de la communauté se confondent 4. Quant aux francophones, ils sont largement « trustés » par des Wallons au projet régionaliste très affirmé, y compris dans une dimension de classe et dans une dimension de résistance, d’une part face à une Flandre qu’ils jugent conquérante et, déjà, dominante et, d’autre part – très semblables en cela aux Flamands – face à une classe « fransquillonne », identifiée souvent à Bruxelles.

Un an plus tard, le 2 août 1963, le Parlement vote la loi sur les limites de l’agglomération bruxelloise. Selon Arthur Gilson, le ministre de l’Intérieur de l’époque, cette loi « avait un triple objectif : fixer le régime linguistique de l’administration centrale ; fixer le régime de Bruxelles-Capitale ; résoudre le problème de la périphérie bruxelloise. » 5 Où résoudre le problème de la périphérie est un euphémisme pour donner un semblant de réponse à la question des minorités dans les communes de la périphérie bruxelloise. Dans son projet initial, Arthur Gilson proposait d’élargir l’agglomération bruxelloise à une douzaine de communes : les six communes à facilités, trois communes wallonnes (La Hulpe, Waterloo et Braine-le-Château) ainsi que deux 6 autres communes situées en Brabant flamand (Dilbeek et Strombeek-Bever).

Certes les Flamands protestèrent contre cette proposition d’élargissement de Bruxelles. Mais ce sont les Wallons qui opposèrent leur véto. Jules Descampe et Pierre Rouelle, les bourgmestres de Waterloo et de La Hulpe, se drapèrent dans le rôle de rempart contre un soi-disant impérialisme flamand, oubliant au passage les minorités flamandes de leurs propres communes. « En 1963 (…) les Wallons ont par principe refusé toute charge (qu’auraient représenté) des facilités linguistiques ; ils ne voulaient pas avoir ce type de servitude administrative ; ils ne voulaient pas s’organiser pour être au service des citoyens flamands dans leur langue. C’est en tout cas ce qui m’a été dit à Braine-le-Château, Waterloo et La Hulpe ». 7

Le mouvement wallon fut à la pointe du combat. Il voyait dans l’instauration du bilinguisme à Waterloo rien moins qu’une « ingérence flamande » 8 ainsi que la perpétuation d’une domination de classe puisque seuls la bourgeoisie flamande et les bourgeois fransquillons auraient pu produire ces cadres bilingues. « Le peuple flamand a lutté avec raison pour éliminer l’influence politique, économique et culturelle de la caste des « fransquillons ». Les Wallons n’admettront pas que le pays soit dirigé par une nouvelle aristocratie, celle des « bilingues ». » 9 Quant aux fransquillons bruxellois, incapables de digérer le statut bilingue de Bruxelles, ils s’alignèrent par dépit sur les positions du Mouvement wallon.

Le projet, comme les motivations qui menèrent à son rejet, témoignent bien qu’il ne s’agissait en rien d’un débat sur la question de la viabilité de la Région bruxelloise et, donc aussi, de ses frontières en tant que région.

Les évolutions institutionnelles ultérieures sont du même tonneau. Les régions sont créées lors de la réforme constitutionnelle de 1970. Mais seules deux d’entre elles voient effectivement le jour le 8 août 1980 : la Flandre et la Wallonie. La Région bruxelloise figure sur l’acte de naissance, mais son accouchement est renvoyé à des jours meilleurs. Ce n’est que le 12 janvier 1989, soit neuf ans et une nouvelle réforme constitutionnelle plus tard, que Wallons et Flamands s’accordent pour qu’elle devienne réalité. Enfin, pas tout à fait : région, mais région au rabais, privée de l’autonomie constitutive et coupée de son hinterland.

C’est cette approche d’essence communautariste qui prévaut toujours aujourd’hui. Au nord, où l’on continue à affirmer que Bruxelles est la capitale de la Flandre et pas tout à fait une région. Mais, surtout, en Francophonie où les cinq partis traditionnels continuent à promouvoir avec plus ou moins de ferveur une impossible, infaisable et provocante Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais pas seulement. D’éminents régionalistes wallons pourtant favorables à une réorganisation de la Belgique autour de quatre régions s’accommodent eux aussi d’une Région bruxelloise confinée dans les 19 communes. 10

Les Bruxellois et le syndrome de Stockholm (2)

RTBF.be, 25 septembre 2013

Une région par défaut

Bruxelles ne devient donc une région que parce qu’elle ne peut être englobée ni par la Flandre ni par la Wallonie. C’est à cette aune également qu’il faut lire la création des communautés : c’est le subterfuge trouvé par les deux grandes régions pour maintenir leur présence et leur contrôle sur Bruxelles.

Mais le temps a fait son œuvre, en continuant, obstinément, à imprimer sa marque. A l’aéroport de Bruxelles-National, coupé de sa ville de référence dès l’établissement de la frontière linguistique, s’ajoute à la fin des années 60, la construction du ring de Bruxelles qui s’étire pour une large part en dehors du territoire de ce qui s’appelait alors l’agglomération bruxelloise : en Flandre (Ring Ouest) et en Wallonie (d’Ittre à Waterloo). A ces premières manifestations visibles de l’ineptie de la situation s’en ajouteront d’autres, beaucoup d’autres. Dernière en date, l’intention manifestée par l’exécutif régional de construire le nouveau grand stade de football bruxellois … en Flandre, à quelques centaines de mètres des frontières actuelles de la Région bruxelloise.

Que Bruxelles soit enfermée dans un mouchoir de poche, séparée par une frontière régionale de son aéroport, de son périphérique, amputée de ses habitants les plus aisés réfugiés dans une périphérie qui lui échappe complètement, rien n’y fait. « Bruxelles est une hydre ». Que la question des frontières de la Région bruxelloise n’ait jamais été posée (et résolue), rien n’y fait. « Bruxelles est une pieuvre ». Que Gand (250.000 habitants), une ville, pas une région, ou Anvers (500.000 habitants), une ville, pas une région, s’étendent sur des territoires de 156 et 204 km2 tandis que Bruxelles (1,2 million habitants), une ville et une région, reste confinée sur 161 km2, rien n’y fait. « Bruxelles est hypertrophiée ». Que la cité-Etat de Brème (660.000 habitants) ou celle d’Hambourg (1.800.000 habitants) s’étendent sur 404 km2 et 755 km2, rien n’y fait. « Bruxelles est démesurée. » Que Vienne (1.600.000 habitants), ville-Etat et capitale de l’Autriche ou Berlin (3,5 millions habitants), ville-Etat et capitale de l’Allemagne s’étirent sur 414 km2 et 891 km2. Rien n’y fait. « Bruxelles est tentaculaire ». Que le revenu moyen par habitant à Saint-Josse soit deux fois et demi moins élevé qu’à Waterloo, rien n’y fait. Bruxelles est Bruxelles. Waterloo est ailleurs. Que 60 % des emplois en Région bruxelloise soient occupés par des personnes ne résidant pas sur son territoire, que le chômage touche un jeune sur deux dans certaines communes bruxelloises, rien n’y fait. Bruxelles est Bruxelles. Ailleurs c’est ailleurs.

De nombreux Bruxellois ont bel et bien intégré cet enfermement. Ils croient dur comme fer que ces francophones bruxellois « n’avaient qu’à pas » s’installer en périphérie flamande. Oubliant que certains y vivent depuis des générations. Omettant que beaucoup d’entre eux maîtrisent la langue de Vondel sans pour autant renier celle de Voltaire. Survolant sur les considérations d’ordre économique souvent à l’origine de ces migrations vers les Brabants flamand et wallon. Oubliant que la morphologie des villes s’accommode mal des carcans politiques. En bref, ils ont bel et bien intégré la « doctrine » flamando-wallonne de la frontière linguistique comme seule et unique frontière, se contentant du statut de région au rabais que Wallons et Flamands, mutuellement contraints, ont bien voulu leur octroyer.

Mais ces Bruxellois affligés du syndrome de Stockholm ne sont pas les seules victimes. Leurs geôliers – la Flandre et la Wallonie – se complaisent dans le déni. Ils se refusent de reconnaître la dynamique qui a présidé à la création des deux grandes régions et, par voie de conséquence, de prendre l’exacte mesure de la camisole de force dans laquelle ils ont enfermé la Région bruxelloise, prisonniers qu’ils sont de leurs vieilles grilles de lecture, continuant à associer Bruxelles à ces « fransquillons » impériaux et suffisants de jadis alors que leurs rejetons ne sont plus, depuis longtemps, que l’ombre de leurs aïeux. Ils ont tout perdu ou presque. Electrabel est depuis longtemps tombé dans une escarcelle tricolore, celle de GDF-Suez, Côte d’Or est helvétisé, la Banque Bruxelles-Lambert (BBL) depuis longtemps batavisée, Albert Frère hors-sol-isé, l’Union minière australianisée, Petrofina francisée et, last but not least, la Générale, ce « vestige féodal » 11 a, après moult péripéties, sombré corps et biens, avant d’être « sauvée » in extremis par BNP-Paribas. Nombre des héritiers de ces empires déchus ont par ailleurs déserté cette Bruxelles multiculturelle qu’ils apprécient (de loin) pour l’entre-soi des opulentes et verdoyantes communes des alentours : Wezembeek-Oppem, Rhode-Saint-Genèse, Linkebeek, Tervuren, Waterloo, Braine-l’Alleud, La Hulpe, Rixensart, Lasne 12, pour n’en citer que quelques-unes.

De ces fleurons de la vieille et moins vieille fransquillonnitude bruxelloise, il ne reste pratiquement rien. Si ce n’est un journal crépusculaire dans le rôle d’organe officiel, des partis politiques aussi richement dotés qu’inféodés soit au Nord, soit au Sud, une opulente et pléthorique classe politique 13 et para-politique 14 et quelques autres oripeaux. La Bruxelles honnie des Mouvements flamand et wallon n’existe plus.

Une nouvelle ville est née, institutionnellement fragmentée, sociologiquement clivée, culturellement éclatée. La Bruxelles multiculturelle, aux senteurs orientales, méditerranéennes, mittel-européennes, asiatiques, latino, africaines, caucasiennes, … et économiquement pauvre, confinée dans les communes centrales de l’actuelle Région bruxelloise. La Bruxelles européenne engoncée entre des autoroutes urbaines, une Bruxelles confortable à Uccle, Woluwé-Saint-Pierre ou Watermael-Boitsfort. Et d’autres Bruxelles à Vilvorde ou Braine-l’Alleud, Halle ou Waterloo, … Cet ensemble forme ce que les géographes appellent la ville morphologique, une « zone de bâti à peu près non interrompue » 15 qui englobe entre 30 et 40 communes 16.

Bruxelles nouvelle (3)

RTBF.be, 26 septembre 2013

La pertinence – et la légitimité – politiques de la question du statut et du territoire de la Région bruxelloise commencent enfin à être reconnues. Ainsi, pour le géographe Christian Kesteloot, « l’idée d’une organisation territoriale qui recouvre l’ensemble de la région métropolitaine est tout à fait défendable. De plus, un élargissement de Bruxelles permettrait à la périphérie nantie de contribuer aux charges de la consommation collective. » 17

Syndrome « Nimby »

Cette Bruxelles multiculturelle que l’on aime, comme les éoliennes, « de loin mais pas dans son jardin », constitue une des raisons du statu quo actuel. En forçant à peine le trait, l’on pourrait dire que ce Nimby social et culturel se nourrit de la parcellisation (voir de la « bantoustanisation ») de Bruxelles. « Un des plus grands obstacles, qui dépasse de loin le clivage linguistique et qui exigera encore plus d’ouverture, de patience et de créativité que ce dernier, est le fort ancrage d’une mentalité anti-urbaine dans une large part de la population de la périphérie de la ville et de ses représentants politiques. » 18

Aux critères présidant à la définition de cette Bruxelles morphologique, critères éminemment politiques puisqu’ils concernent la polis bruxelloise (continuité du bâti, densité de population, densité d’emplois, taux de migrations alternantes sortantes et entrantes bruxelloises 19), il reste à associer d’autres critères eux aussi politiques : l’environnement politique, soit les facteurs Flandre et Wallonie ; la structure « culturelle » des populations des communes concernées par une intégration politique dans la Région bruxelloise ; le contexte physique et environnemental.

Syndrome du pigeon

Traduire en termes politiques et institutionnels cette Bruxelles morphologique définie par les géographes, relève encore de la gageure. Mais certains prennent le risque de l’esquisser. Pour le ministre flamand Pascal Smet « Il faut commencer l’élargissement avec Waterloo et Lasne, c’est-là que les riches habitent. C’est une question de solidarité socio-économique. Si après cette démarche, on doit ajouter un pour cent de territoire flamand, pour moi, ce n’est pas la fin du monde » 20. Fair enough. Non pas parce qu’il faudrait sauver le soldat Onkelinx mais parce qu’une approche politique de l’élargissement doit aussi prendre en compte un certain ressenti et, comme nous l’avons vu, un certain vécu des Flamands selon lequel ce serait eux qui, une fois encore, devraient en payer seuls le prix.

En d’autres termes, il s’agit d’établir un certain équilibre ou une certaine proportionnalité dans les « transferts » vers la Région bruxelloise entre le nombre de communes situées aujourd’hui en Wallonie et en Flandre et entre le nombre d’habitants néerlandophones et francophones résidant dans ces communes.

Syndrome de la tache d’huile

La question de l’expansion de la présence francophone dans la périphérie située aujourd’hui en Flandre, la fameuse « tache d’huile » qui (pré)occupe toujours de nombreux responsables politiques flamands, appelle un certain nombre de précisions. Quelle est la part de réalité et de fantasme dans ce phénomène ? Quelles sont les logiques qui l’ont portée ? Quelle est sa nature et son ampleur aujourd’hui ? Quel serait le meilleur moyen de la circonscrire sans pour autant adopter des mesures peu voire anti-démocratiques ?

Ce phénomène fut d’abord le résultat d’une logique d’expansion urbaine commune à de nombreuses villes belges et européennes. Mais il fut aussi le résultat du reflux de francophones de Flandre vers Bruxelles après la fixation de la frontière linguistique et l’entame du processus de fédéralisation. Ainsi, par exemple, une partie des exilés francophones de l’Université catholique de Louvain choisirent la Région bruxelloise plutôt que Louvain-la-Neuve. En outre, comme le souligne l’étude la VUB 21, ce phénomène a changé de nature au cours de la dernière décennie. De francophone, la tache d’huile est devenue surtout internationale. Selon une étude du gouvernement flamand, en périphérie bruxelloise « le néerlandais n’est parlé que dans 37% des familles ayant un enfant bénéficiant des services de Kind en Gezin 22, (…). Un tiers (33%) des familles parlent le français et les 30% restants une autre langue. » tandis qu’ « au 1er janvier 2011, la périphérie était peuplée de 108.000 étrangers, représentant 114 nationalités différentes, soit 27% de sa population. » 23

Un gordel nouveau

Comme d’autres, cette étude confirme, dans la ligne du phénomène observé en Région bruxelloise 24, une tendance lourde à l’oeuvre dans la périphérie bruxelloise 25 : la diversification linguistique de la population. Même le flamandissime ministre de l’intérieur du gouvernement flamand, Geert Bourgeois, « attribue cette évolution à la proximité de Bruxelles « où (selon lui) 61,6% de la population est d’origine étrangère » » 26. Et, en dépit des mesures prises par le gouvernement flamand, rien ne laisse présager une inversion de tendance. Au contraire, des études prévoient, lors de la mise en service du RER, une intensification des phénomènes migratoires de la Région bruxelloise vers la périphérie, tant en Flandre qu’en Wallonie.

Aux facteurs objectifs plaidant pour la mise en adéquation de la Région bruxelloise avec son territoire métropolitain, afin d’en faire une région viable, le principe de réalité devrait également amener la Flandre et la Wallonie à reconnaître la structure fortement « bruxelloise » des populations de la périphérie.

Profondeur stratégique

Sur ces bases nouvelles, il serait possible de trouver une solution durable et apaisée à la question de la tache d’huile (francophone et internationale). Elle pourrait s’articuler autour de trois éléments.

En premier, l’instauration de trois zones linguistiques au sein de la Région bruxelloise élargie : une zone bilingue (les 19 communes), une zone néerlandophone (regroupant les communes issues du Brabant flamand) et une zone francophone (regroupant les communes issues du Brabant wallon). En d’autres termes, dans la ligne de la proposition développée par Alain Maskens 27, il s’agirait de faire bouger les frontières régionales sans toucher à la frontière linguistique.

En second lieu, en généralisant au sein de l’actuelle Région bruxelloise un enseignement bilingue, ou, mieux, trilingue puisque Bruxelles est aussi la capitale de l’Union européenne.

Enfin, en sanctuarisant autour de la Région bruxelloise élargie une zone à vocation exclusivement rurale, où toute nouvelle construction serait prohibée. Plateau de Huldenberg, morne plaine, plaine de Baudémont, Pajottenland, … un gordel vert où, place à l’imaginaire, la « frontière » serait matérialisée par une drève de hêtres, l’arbre symbole de Bruxelles, abritant un sentier de randonnée serpentant autour de la Région bruxelloise.

Cet ensemble de mesures permettrait de créer cette profondeur stratégique indispensable pour arrêter le processus d’irradiation et d’étalement urbains et pour créer un climat apaisé entre les « mondes » néerlandophone et francophone, en préservant par la même occasion l’une des rares ressources naturelles de nos contrées : la terre et les terres agricoles. 28

Dans une Belgique où 70 % des compétences ont déjà été dévolues aux régions (et aux communautés), où, à lui seul, le budget de la Région flamande dépasse désormais le budget de l’Etat fédéral, la Région bruxelloise ne peut continuer à vivoter en quémandant cycliquement aux deux grandes régions du pays des « refinancements » pour combler le manque à gagner résultant du versement de l’impôt sur leur lieu de résidence des 340.000 Flamands et Wallons qui viennent chaque jour y travailler. La Région bruxelloise doit urgemment se penser, à l’instar de Vienne ou de Berlin, comme une région-capitale. Celle d’une Belgique fortement décentralisée. Certes. Mais surtout comme région-capitale d’une Union européenne qui comptera dans les prochaines années une quarantaine d’Etats-membres et qui, à moins que notre continent n’ait opté pour le déclin, assumera de nouvelles et importantes compétences en matière de politique étrangère, de sécurité, de défense, de l’énergie, …

 

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Notes:

  1. « A propos des projets linguistiques du gouvernement », François Perrin, Combat, 13 juin 1963
  2. En réalité une reformulation de la loi de 1921, rendant impossible le changement du statut linguistique de communes suite à une modification de la composition linguistique de celles-ci.
  3. La procédure dite de « sonnette d’alarme » n’existait pas encore. « Cette procédure permet à un groupe linguistique d’interrompre la procédure parlementaire pour provoquer une phase de négociations gouvernementale lorsque ce groupe estime ses droits légitimes gravement lésés. » Wikipedia
  4. Tant il est vrai que la Flandre procédera dès 1980 à la fusion des communauté et région flamandes, en centrant tout le développement politique et institutionnel de la Flandre sur la Communauté flamande au contraire de l’espace francophone où se développeront simultanément une communauté française et une région wallonne (et plus tard une région bruxelloise).
  5. « En 1962-63, les Flamands ne parlaient pas de facilités temporaires », interview d’Arthur Gilson, par Martine Dubuisson, Le Soir, 8 avril 1998
  6. Certaines sources parlent de trois ou de cinq autres communes ; il s’agit bien sûr de communes avant fusion.
  7. Déclaration d’Arthur Gilson, in Letter to Mrs Nabholz-Haidegger (Conseil de l’Europe), Halle-Vilvoorde Komitee, 8 février 2002 (notre traduction)
  8. François Perrin, op. cit.
  9. « Le bilinguisme des fonctionnaires, un projet asocial », R.M., Combat, 13 juin 1963
  10. Voir notamment : Jacques Brassinne de la Buissière, Philippe Destatte, « Un fédéralisme raisonnable et efficace pour un Etat équilibré », Institut Destrée, 2007
  11. Carlo De Benedetti, La Libre, 26 janvier 2013
  12. Revenu moyen par habitant (RMH) dans les communes limitrophes du Brabant : Braine-l’Alleud : 119 ; La Hulpe : 121 ; Lasne :138 ;  Rixensart : 122 ; Waterloo : 119. En Région bruxelloise. Saint-Josse : 51 ; Molenbeek : 63 ; Saint-Gilles : 68 ; Uccle : 109 ; Woluwé-Saint-Pierre : 111. Indice 2009
  13. 194 bourgmestres, échevins et présidents de CPAS, 533 conseillers communaux, 89 parlementaires régionaux, 5 ministres régionaux et trois secrétaires d’Etat, entre 1000 et 1500 « cabinettards »
  14. Le secteur des intercommunales et autres para-stataux à Bruxelles (et en Belgique) est à ce point opaque qu’il semble avoir découragé toute recherche, y compris par des revues reconnues comme le Crisp.
  15. Atlas de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale 2006, Observatoire de la Santé et du Social
  16. Caroline Dembour, « Quelles frontières pour l’agglomération bruxelloise », Cerec, Facultés universitaires Saint-Louis, 2004. L’auteure compare notamment le résultat de ses recherches à celles de Van der Haegen H., Van Hecke E., Juchtmans G. (1996), de Thomas I., Tulkens H., Berquin P. (1999) et de Vandermotten C., Vermoesen F, de Lannoy W., De Corte, S. (1999).
  17. Christian Kesteloot, « Les fragmentations socio-spatiales bruxelloises et l’enjeu de la gouvernance », in « Où va Bruxelles ? », VUB Press, Bruxelles, 2013
  18. Christian Kesteloot, op. cit.
  19. Caroline Dembour, op. cit.
  20. Pascal Smet, « Il faut commencer l’élargissement de Bruxelles avec Waterloo et Lasne », RTL.be, 28 janvier 2009
  21. Jan Degadt, Machteld De Metsenaere, Mieke De Vlieger, Rudi Janssens, Ann Mares, Caroline Van Wynsberghe, « De Internationalisering van de Vlaamse rand rond Brussel », « L’internationalisation de la périphérie flamande autour de Bruxelles », ASP Editions, 2012
  22. Branche flamande de l’Office National de l’Enfance
  23. « Le néerlandais continue d’être en recul en périphérie bruxelloise », RTBF.be, 26 avril 2012
  24. Rudi Janssens, « Meertaligheid als cement van de stedelijk samenleving », « Le plurilinguisme comme ciment d’un vivre-ensemble urbain », VUBPress, 2013
  25. On ne peut que regretter l’absence d’études similaires en ce qui concerne les communes de la périphérie bruxelloise situées dans le Brabant wallon
  26. RTBF.be, op. cit
  27. Alain Maskens, « Brussels : fair regional borders versus linguistic borders », in The linguistic territoriality principle : right violation or parity of esteem ?, Re-Bel e-book II, Octobre 2011.
  28. « D’ici 2030 (…) les besoins de la population mondiale en énergie, en eau et en terres agricoles devraient augmenter de 33 %, 27 % et 41 %. », La transition énergétique est une nécessité, Laurence Tubiana, Le Monde, 22 juin 2013

2 thoughts on “Les Bruxellois et le syndrome de Stockholm

  1. Que du bon sens !… Maintenant, comment faire passer le message ? Une enquête auprès de TOUS les élus, à tous les niveaux, de toutes les zones concernées, par exemple ? Et les résultats dans les journaux et sur internet ? Et pourquoi pas une enquête auprès de tous les journalistes, ces faiseurs d’opinions – souvent les cordonniers les plus mal chaussés, justement, qui ne connaissent RIEN ni de l’histoire, ni des faits (économiques et sociologiques), mais qui émettent quand même leurs « idées » d’une façon ou d’une autre et, ce faisant, enfoncent les citoyens dans les idées reçues et laissent les politiciens dans le doute sur « ce qu’ils devraient faire ». C’est qu’il faut à la fois de la cervelle et du coeur au ventre pour s’aventurer à dire des choses comme le fît Pascal Smet, et que ces denrées sont rares, surtout combinées de la sorte. Alors, suppléons ? Ce qui me frappe et m’amuse toujours, c’est que le bilinguisme scolaire est pratique courante et banalisée dans la communauté germanophone – nous ne devons tout simplement rien inventer, tout est là, il suffit de copier-coller… S’il faut commencer par une chose, c’est par ça : sur Bruxelles, enseignement bilingue d’office, et basta. Dans 10 ans, une première génération de nouveaux bruxellois 50/50. Ca aura vite son poids, année après année…

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